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[interview] J’ai du mal à assumer ma forte poitrine

Elle s’appelle Lou, elle a 17 ans et depuis plusieurs années déjà, elle cohabite avec un bonnet F. Autant dire que ça pèse dans le game. Seulement, ça lui amène aussi quelques ennuis. 


En tant que femme à petits seins, j’ai souvent entendu dire “han mais les gros tétés c’est mieux, c’est plus féminin et ça attire plus les garçons”. Aujourd’hui, je vais à la rencontre de Lou, une jeune lycéenne.

Cette fille pétillante et pleine d’intelligence n’a pas toujours eu la vie facile. L’idée de cette interview est de tracer le portrait d’un vécu singulier. Il n’a pas prétention à représenter toutes les personnes dans la même situation. Nous sommes bien d’accord, Monique ?

Peut-être que tu te reconnaîtras dans son histoire. En tout cas, j’espère que tu apprendras des trucs et que tu passeras un bon moment. Si le format te plaît, suggère-moi dans les commentaires des sujets que tu souhaiterais que j’aborde !

[Masha] Est-ce que c’est facile à vivre un bonnet F ? Tout le monde dit que c’est féminin, que ça attire un “max de mecs”, mais toi, tu en dis quoi ? 

[Lou] J’ai mis beaucoup de temps avant d’accepter ma poitrine. En réalité, je ne l’assume toujours pas totalement. J’ai des vergetures, même en mettant de l’huile d’amande douce ou des crèmes anti-vergetures, je les trouve encombrants, disproportionnés par rapport à ma taille très fine… Bref, j’ai l’impression d’avoir une grosse tâche au milieu de mon corps.

Et puis, d’autres fois, je me dis que c’est chouette. C’est l’une des rares parties de mon corps que j’arrive à mettre en valeur

Pour les garçons, c’est compliqué. J’ai la sensation d’être un bout de viande avec deux warnings sur les boobs. Les garçons regardent d’abord mes seins avant de regarder mes yeux. Si tous les regards ostensibles et insistants sont gênants, ceux qui me gênent le plus sont ceux des personnes carrément plus âgées que moi. Ces gens me mettent vraiment mal à l’aise et je me sens parfois très honteuse, alors que je ne devrais pas.

Je me sens souvent comme une bête de foire. Ca ne facilite pas mes relations avec la gente masculine.

Tu me disais avant de débuter cette interview que tu avais subi du harcèlement. Comment cela se manifestait ? 

J’ai du mal à en parler. C’est encore douloureux et il me manque des mots. J’étais jeune et je découvrais les changements de mon corps. On me reprochait de devenir une femme. On me reprochait d’être. Le harcèlement a débuté au CE2 et s’est arrêté en 3e. Mes camarades me demandaient des preuves. Oui, je devais prouver que j’avais de vrais seins !

Très vite, on a sexualisé et objectisé ma poitrine. Comme si c’était quelque chose hors de moi et dont je pouvais choisir la forme et l’ampleur.

Très vite, on a sexualisé et objectisé ma poitrine. Comme si c’était quelque chose hors de moi et dont je pouvais choisir la forme et l’ampleur. On m’a traitée de “pute”, de “salope”, parce que j’avais des gros seins ! Je ne me sentais pas bien, parce que les gens m’acceptaient difficilement alors que j’acceptais tout le monde. J’étais différente des autres.

Quand j’allais aux toilettes, j’entendais des filles dire “Regarde, elle a des pastèques”. Elles devaient se sentir mal à l’aise, jalouses ou curieuses. En tout cas, ça m’a beaucoup blessée.

Je me suis affirmée petit à petit, mais c’était compliqué, parce que j’ai du revendiquer mon droit à être moi-même.

Est-ce que tu as essayé d’en parler avec un.e professeur.e, un.e CPE ?

Non, je n’en ai jamais parlé en milieu scolaire. Je ne me sentais pas assez en confiance pour aborder cette problématique. J’avais surtout honte de parler, parce que ça voulait dire que je reconnaissais que j’avais des gros seins et que des gens me faisaient souffrir à cause de leur taille.

Je suis introvertie ; donc j’ai gardé ça pour moi.

Le #NoBra (fait de ne pas porter de soutien-gorges) est envisageable pour toi ? Tu es obligée de porter des soutiens-gorges sinon tu as trop mal au dos ou aux seins ? 

Je ne porte jamais de soutiens-gorges chez moi. C’est libérateur. Je me sens plus à l’aise. Dans la rue et en société en général, je me sens obligée sinon j’ai des remarques à coup sûr : “Oh mais c’est pas bien ce que tu fais ! Attends, je vais te prêter un soutif !”. (oui sérieux)

Je psychote vite en me disant qu’ils doivent bouger dans tous les sens comme des yoyos désordonnés. C’est tellement dur de trouver des soutiens-gorges à ma taille, qui soient sympas et élégants. Souvent, la qualité de l’armature prime totalement sur l’esthétique et je me retrouve saucissonnée dans un amas de baleines rigides. La sécu devrait me rembourser mes soutifs !

Lorsque tu étais une ado, qu’est-ce que tu aurais aimé que l’on te dise ? Qu’est-ce que tu pourrais dire aux jeunes personnes dans ton cas ? 

Tu as le droit d’être là, sur Terre, dans le corps avec lequel tu es né.e et tu as le droit d’en être fièr.e !

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